Bien que le débarquement des alliés en juin 1944 ait suscité une vague d’espoir au sein de la population, à Neuilly-sur-Marne, la libération fut précédée par un événe­ment tragique et symbolique : la déportation du président de la délégation spéciale, Louis Porte, arrêté par les Allemands le 17 juillet 1944.

Cette arrestation fit suite à diverses manifestations organi­sées dans la ville à l’occasion du 14 juillet, dont la célébration était inter­dite par l’occupant. Sans doute portés par les nombreuses actions de la Résistance et par l’annonce d’une libération prochaine, les Nocéens célébrèrent la fête nationale dans un sur­saut patriotique qui déclencha la colère des autorités allemandes. Ulcérées et en guise de représailles, ces dernières pri­rent le maire en otage et le déportèrent au camp de Buchenwald où il mourut quelques mois plus tard. Le récit de ces journées est consigné dans le registre des délibérations du conseil municipal ainsi que dans un recueil de témoignages écrit par un insti­tuteur nocéen, Gabriel Desclaux* qui sous l’intitulé “Neuilly-sur-Marne sous la botte allemande 1940-1944” tenait une chronique de la vie sous l’occupation.

Ce 14 juillet 1944 prit un tour particulier. Le 13 au soir après l’heure du couvre-feu, une soixantaine de personnes pavoisè­rent la ville. De nombreux drapeaux trico­lores confectionnés avec d’anciens habits ou avec des tissus passés à la teinture furent accrochés aux arbres, aux fils télé­phoniques et sur la façade de la mairie. Sur la route nationale, étaient peintes les trois couleurs de la nation ainsi que des mots d’ordre patriotiques et sur la che­minée de l’usine des eaux, un employé avait installé un immense drapeau trico­lore confectionné avec des draps. Ce déferlement patriotique fut suivi le jour du 14 juillet par un défilé ralliant le monument aux morts à l’hôtel de ville.

Entre 1500 et 2000 per­sonnes y participèrent. Suivant la consigne, cer­taines étaient vêtues de bleu, blanc, rouge, d’autres entonnaient La Marseillaise. L’ensemble se dispersa devant l’hôtel de ville avant l’arrivée d’un camion de soldats allemands. Le 15 juillet, les Allemands arrachèrent les drapeaux et les brûlèrent dans la rue.

“Ils essayent d’abattre les drapeaux accrochés dans les arbres et sur les fils à l’aide de leurs mitraillettes, note Gilbert Desclaux, en les menaçant, ils obligent les pompiers municipaux à enlever les emblèmes patriotiques. M. Vignal, lieu­tenant des pompiers, sera chargé de décrocher le dra­peau installé sur la che­minée et de le brûler. Il parviendra à le dis­simuler.”

Ces événements se conclurent par l’ar­restation de Louis Porte.
Bien que prévenu par l’un des dirigeants de la Résistance, il ne quitta pas la ville. Solidaire de son maire, le conseil muni­cipal décida à l’unanimité d’envoyer au Préfet une délégation de trois conseillers pour lui demander d’intervenir en faveur de Louis Porte. L’initiative fut soutenue par les maires des communes voisines. Le 31 juillet, ces derniers adressaient un courrier commun au préfet de Seine-et-Oise pour lui demander de défendre Louis Porte. En vain…

Repères
☞Né en 1884 à Issy-les-Moulineaux, Louis Porte était maraîcher à Neuilly-sur-Marne. En août 1941, il devint “maire” de la ville en succédant à Isidore Cadario à la tête de la délégation spéciale, instance mise en place au début de la guerre en remplacement du conseil municipal.
☞*Gabriel Desclaux professeur de mathématiques fut élu et maire-adjoint délégué à l’enseignement de 1977 à 1989 sur la liste d’Union de la Gauche conduite par Jacques Mahéas.